Je me souviens du moment où, pour la première fois, j’ai entendu parler d’Elisa Shua Dusapin.

C’était lors d’un atelier d’écriture auquel je participais, en 2015. L’atelier en question était animé par l’écrivain Eugène (Meiltz). Lors d’une pause, Eugène nous raconte qu’une jeune femme dont il suit le travail à l’Institut Littéraire Suisse va prochainement publier son premier roman. Il ne tarit pas d’éloges au sujet de la qualité de son écriture et de l’originalité de son récit. Elisa Shua Dusapin, pour lui, il n’y a aucun doute, on va en entendre beaucoup parler.

Piquée par la curiosité, j’ai attendu le Livre sur les quais à Morges à l’été 2016, afin d’acheter le premier roman de la jeune autrice, Hiver à Sokcho et, cerise sur le gâteau, d’obtenir une dédicace sa part. J’ai rencontré ce jour-là puis à d’autres occasions une personne modeste, souriante et d’une grande gentillesse.

On peut mentionner un succès international pour ce premier roman. Entre autres, le prestigieux prix américain du National Book Award for Translated Literature, des traductions de l’ouvrage en de nombreuses langues, une pièce de théâtre, un film avec l’acteur Roshdy Zem (sortie en Suisse cette année ?), etc…

Trois romans ont suivi : Les Billes du Pachinko (2018), Vladivostok Circus (2020), Le vieil incendie (2023). Tous récompensés par des prix littéraires et tous édités chez Zoé.

Les articles, interviews, émissions en lien avec Elisa Shua Dusapin et chacun de ses livres sont nombreux et pour la plupart très intéressants. N’hésitez pas à les consulter. Il est sans grand intérêt que je me lance ici dans ce qui ne pourrait être finalement qu’un exercice redondant.

Je préfère m’intéresser à ce que représente pour un(e) lecteur(trice) la rencontre avec un(e) écrivain(e), et le suivi de son travail au fil du temps.

Personnellement, cela fait environ une dizaine d’années que j’essaie, lorsque c’est possible, de rencontrer les écrivain(e)s, lors de salons du livre ou d’ateliers d’écriture.

Je me suis demandé s’il y avait là surtout le désir de croiser des personnes connues, reconnues. Mais je n’ai jamais eu spécialement cet intérêt envers des personnes célèbres dans d’autres domaines que la littérature. Il me semble qu’il y a autre chose derrière cette envie de connaître un(e) écrivain(e).

« Connaître » est ceci dit un bien grand mot. On ne peut prétendre « connaître » une personne que l’on va croiser quelques minutes et avec laquelle on va au mieux échanger un sourire, voire quelques mots. D’autant plus qu’il y a, lors des rencontres dans les salons du livre l’aspect échange commercial. Je ne suis pas naïve, l’écrivain(e) se prête avant tout à un exercice de promotion de son ouvrage. Mais la plupart de ceux et celles que j’ai rencontré(e)s semblent sincèrement content(e)s d’aller au-devant de leur lectorat.

Je garde souvent un souvenir ému de ces moments. Lorsque je tombe sur un article ou une interview concernant l’écrivain(e), je me réjouis de le/la retrouver.

Mais c’est surtout lors de la lecture du roman que je ressens comme un cadeau le fait d’avoir rencontré son auteur(trice). Mon imagination m’entraîne vers lui(elle). Ici je le (la) visualise en train de chercher le mot juste lors de l’écriture, là je m’adresse presque directement à lui(elle) : « vraiment tu as osé cela » ? Ou bien je me souviens d’un sujet qu’il(elle) a abordé et le texte s’éclaire sous un jour différent.

C’est un peu comme si l’écrivain(e) était un oiseau volant dans le ciel qui jetterait un œil de loin sur ses lecteurs(trices) et pourrait, le cas échéant, descendre et manifester sa présence s’il(elle) le jugeait utile pour une juste compréhension du texte ou pour ajouter un détail.

Revenons à Elisa Shua Dusapin. J’apprécie particulièrement ses romans pour trois raisons principales. Ils me font découvrir des lieux, des mondes qui me sont inconnus. J’ai voyagé dans une petite ville de Corée, Sokcho, j’ai découvert la barre russe à Vladivostok, les ruelles de Tokyo, la campagne du Périgord… De ces lieux variés émanent des ambiances particulières que l’on n’oubliera pas.

Et puis il y a surtout les personnages sensibles, souvent pris dans des tensions, des malentendus. Enfin, tout cela infuse encore bien longtemps après la lecture. Si j’ai l’impression, de suivre des histoires au fond assez simples dans le déroulement des faits, je constate souvent que c’est après avoir refermé le livre que telle ou telle réaction d’un personnage m’interpelle soudain ou que tel ou tel passage me revient très précisément en mémoire.

Les romans d’Elisa Shua Dusapin ont une saveur particulière et singulière que l’on n’oublie pas.

Je lui souhaite le meilleur pour la suite de sa carrière et aussi beaucoup de grands et petits bonheurs dans sa vie personnelle. Je me réjouis de découvrir son prochain roman, et puis, qui sait, d’avoir le plaisir de la recroiser à nouveau.

Francine

Photo d’Elisa Shua Dusapin prise lors d’une séance de dédicaces à Payot Lausanne, à l’automne 2023.