Fuite

Choisissant de tourner le dos à tous mes soucis de la semaine, je monte sur mon voilier. Il est midi, le temps est magnifique. Je hisse la voile. Mon visage tendu vers le soleil s’imprègne de cette plaisante sensation de chaud. Une brise sèche emmêle mes cheveux mi-longs. Je respire à pleins poumons, me délectant des senteurs d’algues iodées, laissant même ces âcres bouffées parfumées me traverser le corps. Je me redresse d’un coup et termine la mise en place des voiles blanches.

Il m’a quittée pour une autre… Ce n’est pas la première fois, mais l’air marin me dote d’une vigueur nouvelle… Je décide donc que si n’est pas la première fois, ce sera la dernière !

Mes valises, quelques vivres, de l’eau potable en quantité, le retrait de l’entier de l’argent de mon compte en banque et me voilà en route vers un avenir différent…

Plus tard, me voici au grand large. La brise légère a laissé la place à un vent frais, mais humide. Je tiens fermement la barre, passe ma langue sur mes lèvres sèches et en apprécie le goût salé. L’air vif s’infiltre à travers ma chevelure qui devient rêche.

Mes yeux sont secs, ils ne pleureront plus jamais pour lui et je suis déterminée à ne pas me lamenter sur mon sort.

Le bateau file à toute allure, petit à petit, l’idée d’accoster dans un autre lieu me transporte. Je n’ai aucune idée quant à la destination de ma fugue décidée sur un coup de tête mais n’en ai cure ! Je me laisse juste porter par le voilier et ouvre tous mes sens aux bienfaits du large, mon regard s’attardant sur la mousse épaisse des vaguelettes qui s’écrasent contre la coque de mon embarcation.

Je relève alors la tête, scrute l’horizon encore dépourvu de tout rivage.  Et pour la première fois de mon existence, je ressens une liberté infinie, puissante, inaltérable…

Francine Howald, 26 octobre 2014, texte écrit lors d’un atelier à Vevey en lien avec le thème de l’eau

D’après le voilier aux eaux claires, un tableau de MaryLis Chindelholz.