Nuit
Douce folie
Enivrante et fiévreuse
La tête me tourne
Je rêve d’un ailleurs
Où les pensées s’arrêtent enfin
Mon univers imaginaire se dissout avec calme
Les bruits se font plus rares et diffus
Le frottement des draps sur ma peau nue disparaît
Les rayons de lumières, ondes et particules fugaces, s’estompent
Je tombe en chute libre dans ce grand tout
Une sensation vertigineuse envahit tous mes sens endormis
La chute n’aura pas lieu ici
Inspire, expire, la sérénité s’installe
L’univers sans reflets, envoutant
Me happe, m’aspire
Nuit noire, profonde
Nuit secrète
Nuit
Béatrice H.
Nuit blanche
Ses pas lents et incertains froissent les feuilles mortes du sous-bois.
Le regard aimanté vers l’humus, elle ne se rend pas compte que le jour diminue.
Juste armée de son panier à champignons et d’un couteau, elle poursuit obstinément sa quête.
Elle est presque certaine de trouver cette belle amanite des Césars si rare et tant convoitée. Pourtant son panier est déjà bien rempli d’espèces alléchantes, mais comme la cerise sur le gâteau, l’amanite au-dessus de la récolte viendrait parfaire l’harmonie de ce doux mélange.
Le jour diminue encore.
Elle décide de lever enfin les yeux vers le centre de la forêt, et constate avec un certain étonnement que la lisière a disparu. Où se trouve-t-elle ?
Elle décide d’écouter sa petite voix protectrice qui lui intime de renoncer et de rentrer avant la nuit.
Le jour a presque disparu.
Pourquoi si vite ? Il était là encore il y a quelques minutes. Où se situe-t-elle par rapport à la voiture? C’est qu’en marchant sinueusement à travers les tranches, dans les bois denses, tantôt à droite, tantôt à gauche, en avant, en reculant, force est de constater qu’elle s’est perdue.
Pas d’inquiétude, toutefois, le miracle de la technologie va pouvoir lui indiquer la bonne direction.
Le jour n’existe plus.
Elle s’empare de son téléphone pour consulter le GPS. Il ne s’allume pas. Plus de batteries. Elle y pense, oui, elle a oublié de le charger la veille. Mais quelle négligence !
La nuit s’est invitée.
Les oiseaux ont cessé de chanter et une brise fraîche s’engouffre entre les feuillages. Que faire ?
Elle essaie d’avancer mais trébuche à la première racine rencontrée. La peur s’installe d’un coup. Ne pouvant pas avancer, elle s’assied au pied d’un chêne majestueux. La sensation de l’écorce tiède la réconforte quelque peu.
La nuit l’enveloppe.
Il doit s’inquiéter à la maison. Elle l’imagine essayant de lui téléphoner, sans succès. Va-t-il appeler les secours ? Elle réalise tout à coup qu’il n’y a personne à la maison qui se préoccupe d’elle. Il ne reste que son souvenir.
L’angoisse l’enserre.
Elle tente de se raisonner. Il ne fait pas froid, elle a de l’eau, elle a des champignons qui peuvent se consommer crus. Le grand méchant loup ne va pas surgir devant elle pour la dévorer. Il a autre chose à faire, qu’il retourne dans ses pages de contes, celui-là ! Non mais quel toupet de s’infiltrer dans ses pensées, de renouer avec ses souvenirs d’enfance.
La nuit se réveille tout à fait.
Quelques hululements lointains, des bruissements de feuilles, des craquements de branches amènent leurs lots d’inquiétude.
La nuit va être blanche.
Béatrice H.
Nuit
Au cœur
Du ciel étoilé
Tu te lèves tôt
Pour décourager les dormeurs assoupis
Laisser venir le soir en douceur
Et accélérer le ralentissement du jour englué
Dans l’agitation du monde incertain et bruyant
Laisser filer la rondeur et la force de la lumière
Accueillir l’arrivée des astres stellaires et autres jaillissements crépusculaires
Animaux, rêves, figures insolites, déesses aux formes improbables
Sans crainte, ni perversion, submersion, grandiloquence ou violence
Pour laisser venir le soir nocturne et abyssal
Et que tombe enfin la nuit
Aux pieds des sapins enneigés
Pour apaiser douleurs
Et appréhensions
Matinales
Florence F.
La nuit, départ sur la route
Il est tard. Trop tard pour partir. Elle sait qu’il est tard. Les rideaux sont tirés, les volets sont abaissés, les lumières de la maison éteintes. Elle a fait sa valise succinctement après le repas et un dernier regard jeté autour d’elle, sur le mobilier choisi avec soin, les fleurs fraiches dans le vase, une couverture tirée sur le canapé.
Des ronflements lui parviennent du salon à l’étage. Il s’est endormi devant le téléviseur. Elle se dirige vers la porte, enfile son manteau bleu et ses bottes fourrées. Il fait froid dehors.
Sa petite voiture rouge, tout juste révisée, l’attend dans l’allée. Elle ouvre la porte de la maison puis la referme délicatement. De grandes ombres se profilent derrière elle, ce sont les ombres des pavillons alentours. Elle prend peur. Les réverbères de la rue sont restés allumés à cette heure tardive. Elle s’engouffre dans la voiture, enclenche la marche arrière et recule en silence. Elle se sent bien dans son petit bolide rouge rutilant. C’est confortable et chaud comme dans un abri. Elle emprunte la bretelle d’autoroute la plus proche. Elle sait où elle va. La nuit ne l’effraie pas, car elle a toujours aimé sa douce noirceur. Elle file, appuie sur l’accélérateur. C’est qu’elle voudrait arriver avant que l’aube ne se pointe. L’océan l’appelle, elle le sent, le hume, le respire déjà. Elle fonce, donne un puissant coup de pied, prend de la vitesse. Elle roule à vive allure, n’a peur de rien. Elle sait que demain sera un jour meilleur. Elle sait que la nuit s’éteindra.
Les projecteurs du ferry l’appellent…. Elle prend une profonde inspiration et lance à plein gaz son véhicule sur la passerelle qu’elle rate d’un tout petit mètre.
Lorsque l’aube surgit, la petite voiture rouge est hissée des eaux à l’aide de quatre treuils maritimes.
Le corps de la femme reste introuvable.
Florence F.
Nuit
Sans limite
Sombre et profonde
Panier de beaux rêves
Envahie de cauchemars et créatures
Qui m’attirent dans les ténèbres
Me laissent sans répit, haletante et tremblante
Face à la totale incompréhension des expériences nocturnes
Craignant ta couleur, je suis attirée par ton calme
Ton étendue, ta profondeur, toujours un mystère insondable
Ton univers brille de mille feux inaccessibles
Tu stimules le corps, l’esprit
M’accompagne fidèlement chaque jour
Je te rejoins toujours
Vivre cette intimité
Nous deux
Ensemble
Anne L.
Nuit réparatrice …. Un leurre
Une journée de plus, trop courte évidemment. Une semaine de plus, la routine.
Il est temps de ranger les dossiers et éteindre l’ordinateur, j’agrippe ma veste et je quitte le bâtiment. De l’air !
Le noir a envahi l’espace, et à nouveau, l’impression d’avoir manqué une chose essentielle me prend à la gorge. Essayons de profiter de l’obscurité, vu que le jour définitivement m’échappe, pour prendre un bon repos, passer un moment d’échange familial. J’ai hâte de retrouver la maison, mon refuge.
Après un repas convivial, une soirée ressourçante, l’heure qui avance annonce qu’il est temps de se préparer pour la nuit, de s’étendre pour un moment réparateur qui permet d’affronter la nouvelle journée de défis à venir. Les précédentes ont déjà laissé des traces de fatigue et je dois avouer que mon état semble empirer chaque jour. La soixantaine… sans aucun doute ! Je rejoins avec bonheur et reconnaissance ma couette douillette.
Je n’en peux plus ! Les minutes se sont transformées en heures et je brasse encore et encore les dossiers en cours, la réponse à donner à une demande qui me semble futile, voire ridicule. Je me tiens éloignée sans le vouloir des bras pourtant accueillants de Morphée qui s’impatiente et semble me reprocher mon manque d’intérêt.
La patience n’est pas mon fort. Je craque, tant pis ! Je quitte mes draps chauds, me fiche de troubler le sommeil de mon mari en poussant cette fichue porte de chambre qui se fait un plaisir de grincer à chaque mouvement. Me voilà au salon. J’attrape un calepin que je noircis en toute hâte de ces phrases qui circulent inlassablement dans mon cerveau depuis trop longtemps.
C’est fait ! Chose réglée, charge mentale canalisée, je retourne me coucher.
Marre. Bonne nuit !
Anne L.
Nuits
Souvent espérées
Je vous appelle
Heureuse de me retrouver
Seule dans le noir profond
Prête à sombrer dans le sommeil
Dans une réalité sans contours précis, définis
L’âme et le corps en toute liberté
Flottant, légère, immatérielle dans d’autres espaces et temps
Profitant de ce moment hors tout pour revenir à moi
Voici mes nuits aimées, porteuses de bienfaits très précieux
Puis il y a aussi les nuits imprévisibles
Celles faites de surprises enthousiasmantes, si belles
Et ces nuits déprimantes à oublier
Qui laissent des souvenirs amers
Pas de contrôle possible
Accepter lâcher prise
Nox triomphante
Nuits
Francine H.