L’arrière-scène en fond, je la vois encore, avec son rideau gris bleu délavé, élimé et poussiéreux.
Le sol venait d’être refait et la couleur miel synthétique tranchait avec les bords encore en lattes du parquet d’origine, vestiges restés devenus avec le temps, gris cérusés.
Pour notre première leçon de gym, on avait été très impressionnés par le lieu.
Des cordes pendaient telles des queues de lion du plafond. Elles se terminaient par du cuir brun foncé, cousu comme pour un gros ourlet par en gros faux fil blanc.
Les « grands » avaient laissé un tremplin en bois devant un « mouton » qui ne ressemblait pas du tout à un mouton. Ce mouton-là était d’une teinte caramel, en cuir, lui aussi et il était couvert d’auréoles de poussière blanchâtres en forme de main, dignes des grottes d’Almeria.
Il avait aussi d’étranges sabots en caoutchouc blanc et des pattes en métal rouillé à trous avec des chaînes un peu rouillées aussi qui cliquetaient quand on le bougeait, mais il n’avait pas de tête.
Dans une sorte de vestibule –vestiaire-buvette attenant, il y avait encore une drôle de charrette bringuebalante sur laquelle s’entassaient des tapis en daim de la couleur éléphant. Tout paraissait vieux et sale.
On s’était assis, impressionnés, tout près de cette nouvelle maîtresse pas très souriante et tout près de son piano un peu désuet lui aussi. On avait eu du mal à enfiler ces satanées pantoufles de rythmique neuves et après on avait aussi eu du mal à courir comme des petites souris dans cet espace rempli d’objets si inquiétants et si encombrants.
Voilà. L’impression, c’est celle-là, celle d’être dans une jungle, à courir éperdument dans tous les sens, sans pouvoir s’échapper.
Première leçon de rythmique, ancienne salle de gym de Chailly, 1968. Ca aurait pu être la même photo, sauf que là, c’était écrit Bâle, 1868…
Texte d’une participante à l’atelier « Voyage dans les prémices de la photographie en Suisse ».